Le texte qui suit est une prise de position très personnelle, avec un style et un ton qui l’est tout autant. J’ai voulu faire un texte songé et intellectuel, mais ce n’est pas du tout ce qui est sorti de mes tripes. Je me reprendrais pour une version plus carrée un peu plus tard. Alors voilà.
La version courte, ou comme un dit sur internet, TL;DR: Ensemble c’est mieux que tout seul et je crois que la collaboration et les plus petites structures permettent un meilleur monde pour tous à l’ère de la diversité et de la société en réseau. C’est vrai en affaire pour les startups et pour les états, c’est pour ça que je suis indépendantiste et solidaire, de ma prise de position politique à mon engagement dans l’écosystème des startups en technologie de Montréal. C’est une histoire de culture et de valeurs.
Maintenant, la version longue si ça vous intéresse et que vous avez 15-20 minutes…
Entrefilet intéressant, via Twitter (bien entendu), dans lequel @MarioAsselin, relance une conversation à propos de mon billet sur le plan nerd à un (supposé) péquiste qui l’accuse (en tant que caquiste) d’être corporatiste (si ce n’est Sirois-iste) et ou Mario évoque ma teinte orange et mon allégence à Québec solidaire pour affirmer que c’est “bien au delà de la partisanerie” toute cette histoire. Et il en remet sur son blogue. Même si nous ne sommes pas d’accord sur le chemin à prendre pour se rendre, reste qu’on semble se diriger dans la même direction…
Ça m’a fait réfléchir à ma prise de position en tant que socialiste, que dis-je, social-démocrate (merci à Tony Judt pour la précision), pour l’entrepreneurship et les startups en technologie. Ça pourraît être très de droite, tout ça, comme position. Ça pourrait mener, diantre, enfer et damnation, à un abus de phrases à virgules et à une conversation alambiquée, si tout n’était pas clarifié, à terme. C’est un chemin tortueux et malgré quelques raccourcis possibles, non sans quelques détours certains.
J’ai déjà dit (en public) que j’avais une mineure en capitalisme et un majeure en socialisme. C’était une figure de style. Je n’ai point de diplomation pour valider cette affirmation. Ce que je voulais dire par là, c’est que je tente de trouver un juste milieu entre le bien commun et le système économique prédominant du 20ième siècle. Mais toujours avec un biais favorable vers le groupe, la société, plutôt que vers l’individu. Du New Capitalist Manifesto à Life Inc, de Here Comes Everybody à Cities and the Wealth of Nations (oui je sais, c’est tout en anglais, ça m’attriste aussi)… Ces valeurs, axées sur le groupe, étaient prédominantes dans mon éducation, dès la petite enfance. On partage ses jouets. On aide les autres. On laisse passer les autres. On est juste pour tous. Être égoïste, vouloir battre les autres, gagner à tout prix, tricher, mentir, ce n’était pas très à la mode dans les années ’70. Tant mieux. Je ne sais pas si c’était judéo-chrétien ou hippie, tant pis. C’est l’héritage que j’ai reçu et mon expérience de vie m’a démontré que c’était une position morale et sociale raisonnable et agréable, pour les autres comme pour moi.
J’ai aussi grandi à l’époque du grand possible. Du si tu veux, tu peux. De l’émancipation d’un peuple (Québécois), au niveau économique et culturel. Post révolution tranquille. Après Woodstock, après le peace and love. Enfant de baby boomers, à l’époque du docteur Spock, de la guerre froide et de Passe-Partout. De Charlebois, Lévesque et Trudeau (les hyperliens sont pour mes lecteurs hors Québec, parce que sinon on peut faire sans, pas besoin d’introduction). Passé au travers le système d’éducation Québécois, le rock, la science-fiction, la musique punk, la culture du skateboard, la littérature française, québécoise, la poésie, le théâtre, les films et… la religion. Post-catholique, protestante. Branché sur les jeux vidéos très tôt, sur internet dès que possible et sur le monde, aussi, pourtant, sûrement, goulûment, résolument, tranquillement, immensément.
Arrivé à la vingtaine avec le multimédia et tout ça, les ordinateurs en réseau, Wired, le montage vidéo sur Macintosh, Windows NT en serveur et le 3D sur Silicon Graphics comme toile de fond. Encore un autre serveur: Sun, Perl, FTP, SSH, UNIX. Une fenêtre noire avec un curseur vert qui clignote et une culture de hackers, de Berkeley au MIT, sans savoir que j’avais racine culturelle de réseau, de Gates à Jobs en filigrane informatique, citoyen du monde et planté au Québec pour le meilleur et pour les pire. Smells like Teen spirit comme hymne générationnel des X du monde et Richard Séguin et Paul Piché comme remparts de francophonie d’amérique du nord. Avec du Charlebois, du Led Zepellin et du Hendrix via les platines de mon père. Planté dans un univers médiatique un peu tout croche, en remise en question, avec mon clavier comme arme ultime, comme gagne-pain, comme épée de Damoclès aussi. Et si tout ça n’était pas important du tout? Si je manquais mon coup? Moi qui avait tellement voulu ne pas être un programmeur comme mon père, j’y étais à fond la caisse…
Un hyperlien. Un logiciel gratuit. Une perspective de collaboration, de partage. Des magiciens qui se couchent tard. Une industrie en émergence. Une possibilité, une brèche, un contexte qui favorise les petits smattes et ceux qui aiment sortir des sentiers battus, prendre des risques un peu fous. Une expérience de création, de technologie, d’entrepreneurship. Financée entre autre, par le nouveau Québec Inc. des Sirois, de la caisse de dépôt et des programmes de Landry. Un exil en Californie (et la naissance d’un blogue). Parce que possible, parce que souhaitable. Parce que thérapeutique, même si au bout du chemin, on apprendra qu’on ne peut pas se sauver de soi-même, même d’un périple usque ad mare au sud de la frontière. Un retour nécessaire au bercail, une détermination à l’auto-détermination, à la prise en main, en la création du possible par ses propres moyens (intellectuels) et ceux des autres (financiers). Joies et déceptions. Maturation. Perspective. Recommencement. Encore. Expérience. Rétrospective et prospective…
Maturité (peut-être). Prise de conscience (certaine). Identité, indépendance (ensemble). Le monde est dans ma cour. Je l’aime. Mon terrain de jeu, c’est le monde, que j’aime. Ma langue est forte, elle est douce, elle est souveraine et riche. Mes amis montréalais, anglophones, sont natifs d’ici et du monde tout comme moi. Désir de possible. D’ailleurs ici. Rejet gérérationnel, peut-être. De l’émergence, de structures petites et agiles, d’autre part, d’indépendance, de contribution au bien commun mais pas à l’uniformisation. De la courte-pointe comme métaphore, plutôt que d’une uniformité, rouge ou bleue. D’une gauche de justice, de société, d’égalité, de fraternité, de féminité et d’éco-société. De startups comme de parti minoritaires. D’auto-détermination et de créativité, au bureau le lundi matin comme au bureau de vote. D’un possible autre, pas de grands élans, ni financiers, ni corporatifs, ni structuraux. D’une #occupation, des petits trains qui vont loins, des gouttes d’eau qui font déborder le vase, du refus (global) et de l’ouverture (mondiale). De Godin, derrière le métro, qui raconte les immigrants, coeur de la ville, qui comme dans le San Francisco que j’ai connu bûchent aussi (plus?) fort que les bûcherons qui ont il y a quelques génération défriché le territoire.
De rejeter big corp à big media à big brother qui sont too big to fail… à résister aux cris contre trop de gouvernement et moins de lois et chacun pour soi parce que c’est totalement totalitaire, ironiquement, contre la fibre du tous qui est en moi. Pas par égo, ni par Legault, mais par égaux et idéaux. Pas tradition, comme j’aurais dû, après avoir espéré des grands noms de famille du PQ, mais par prénom de Françoise et d’Amir, par réunion d’une encore plus petit poignée d’irréductibles, de tous horizons, imaginez, même des communistes… Pas par limace ou double-faces, plutôt par audauce à la Loco Locass, de par la légende du faubourg à m’lasse parce que je me lasse des appels sur la grande place pour un Québec qui “peut et doit faire mieux” et des vieux qui sont oublieux du mieux que leurs aïeux ont labouré à qui mieux mieux même quand dans le creux souffreteux d’un peuple né pour un petit pain, soi-disant miteux. Que quelque chose comme ce grand peuple soit autre chose que populiste ou populaire ou précaire ou prétentieux, que ces hommes et femmes de la nation puissent construire sur des assises solides et solidaires, sur des principes pour tous et participatifs, ouverts et tranparents, par collaboration et justice, pour l’égalité, la diversité et la pérénité.
Et de créer de l’emploi ici, à l’ère de l’économie du savoir, de la société en réseau, au lieu de piller les ressources de la terre, de nos avoirs, dépasser la société industrielle d’aussitôt. De faire un monde plus beau, beau, d’être fiers citoyens, individuels ou corportifs, fiers de payer beaucoup d’impôts, de redonner, de soutenir, d’encourager, de faire jaillir, d’accompagner, de cultiver, de prendre soin du terreau fertile ou nous sommes plantés, d’éduquer de faire pousser, de germer. D’être maîtres chez nous, à petite et à grande échelle, de refuser les secrets de polichinels et les leçons de Machiavel. Je suis un idéaliste, un Don Quixote, rêveur, polyglotte, increvable, optimiste, inconvenable, surréaliste. Cent fois sur le métier je remettrais mon ouvrage, ma nation, mon présage. Je ne peux pas léguer à mes enfants moins que mes espoirs, je ne peux me résoudre à les laisser dans le noir (non merci Duplessis). Si nous retenous leçon de l’histoire, sans reproche et sans peurs, plus jamais de grande noirceur. No regrets, no fear, never again the Black Nun (merci à Deschamps).
Quand j’ai compris que j’faisais, un très très grand détour, pour aboutir seul dans un billet publié, j’vous apprends rien quand j’dis, qu’on est rien sans les autres, pour aider l’monde faut savoir être aidé. C’est même Jésus, cet autre barbu, qui disait, aimez vous les uns les autres. C’est même Vignault, cet autre oiseau, qui la chantait…
“De mon grand pays solitaire,
Je crie avant que de me taire,
À tous les hommes de la terre,
Ma maison c’est votre maison,
Entre mes quatre murs de glace,
Je mets mon temps et mon espace,
À préparer le feu, la place,
Pour les humains de l’horizon,
Et les humains sont de ma race.”
Peut-être auriez vous mieux aimé que je puisse me taire. Pour ma part, je vous lirais dans les commentaires… ou ailleurs sur la blogosphère.
Écrit un soir de certitude avec une certaine latitude d’attitude et d’hébétude. Dans un moment de solitude teinté de sollicitude et sociétude.
Ce billet n’aurait pas du être écrit, mais slamé!
Jongler avec des mots qu’on accorde et avec des concepts qui semblent parfois s’opposer. C’est beau de voir une telle démarche s’appuyer non sur l’unique objectif de gloire (ou pas seulement en tous cas), mais aussi sur des principes qui sont parfois à double tranchant.
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Merci. C’est effectivement très “oral” comme ton, mais ça reste dans l’angle du médium “chaud” qu’est le blogue, comme la radio. Je pourrais effectivement m’entendre “dire” certains extraits de ce billets. Et peut-être que je le ferais, aussi…
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Inspirant. À partager, pour être lu et entendu, bien entendu.
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Il y a là tant d’exactitude et de caractère(s)… Ça laisse sans mots Merci pour ce billet lumineux.
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Super Sylvain… J adore!
Tu as pensé en faire une version rap?
Alain
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Je me vois maintenant un peu plus grâce au reflet de ton miroir. Merci!
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Bravo Sylvain. Tu viens de me faire perdre une demi heure plutôt que 20 minutes. Au fait, si tu veux abandonner la programmation, tu as effectivement un grand avenir comme slammer. Autrement, ça peut être repris par Loco Locass (justement) ou qui que ce soit d’autre à la hauteur. C’est une des plus belles réconciliations des contradictions que j’ai lue depuis longtemps. Ça donne plein d’énergie. Au boulot maintenant. Et retour à mes courriels.
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On doit penser trop pareil parce que je ne vois pas de contradiction dans tout ça 😉
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Slamé c’eût pu être en effet et par ailleurs de très agréable lecture ton billet. Ventiler par l’écriture, je connais. C’est ce que je tente de faire depuis quelques années, las de constater mon impuissance à faire comprendre comment cela serait extraordinaire si on parvenait à harnacher ne serait-ce qu’un faible pourcentage des ressources informationnelles gouvernementales au service de projets informatiques communs. C’est comme Hubert Reeves qui dit que si on réussissait à harnacher 1/10 000 de la puissance solaire incidente, on satisferait aux besoins en énergie de l’humanité. Du long terme …
Pour déslamiser peut-être (pas que c’est souhaitable, simplement intéressant pour se structurer les idées), je te fais la solution de lecture de Louis Cornellier (Devoir du week-end dernier; premier lien intéressant que je google) :
Comment mettre la droite K.-O. en 15 arguments
Amicalement
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+1 pour le réseau empathique.
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Très juste: slammé!! …Go!!
Je savais que tu avais grand coeur, mais de te découvrir si habile de la tournure de phrases. Chapeau, m’sieu!!
Courageux et généreux de ta part!
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Ça fait du bien. Enfin un résumatoir de vie content…porain tout à fait bien”rapaillé” avec des portes ouvertes partout….«mettez vot’e parka j’mets l’mien, vous verrez d’ousque l’vent vient!»
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Bravo Sylvain!
On sent que cela sort de tes tripes!
Tu assumes et c’est beau!
Si tu permets, j’en rajoute…
La social-démocratie n’est pas une utopie!
La science et la technologie ne sont pas des valeurs de droite.
L’entreprenariat de la petite équipe soudée (solidaire) et innovatrice, la créativité, les patenteux c’est cela la vraie économie.
La vraie richesse est dans nos têtes, dans nos bras et dans nos coeurs pas dans les portefeuilles des spéculateurs.
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Putain, j’t’aimais déjà bien, mais alors là, chapeau bas! 😉
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