Voici l’intégrale (avec hyperliens) de l’entrevue que j’ai accordé à Sophie Bernard pour le Guide Web 2011 du Lien Multimédia. J’ai eu beaucoup de plaisir à répondre à ses questions, ça fait du bien de s’arrêter un peu pour écrire et réfléchir sous forme plus longue…
En 2009, tu disais à Fabien Deglise du Devoir que le Canada était le tiers-monde technologique – qu’entendais-tu par là et le penses-tu encore?
L’article en question, Téléphonie sans fil et Internet – Factures salées pour les Canadiens, rapportait l’étude de l’OCDE en 2009 selon laquelle les consommateurs d’ici dépensent 55 fois plus d’argent qu’au Japon pour avoir accès à Internet haute vitesse. L’étude (malheureusement pas mise en hyperlien sur le site du Devoir, encore heureux que l’article soit accessible) peut être critiquée pour sa méthodologie, mais ce que je retenais à l’époque, c’est que ça représentais bien un certain désarroi de la scène technologique canadienne. On ne peut pas bâtir un société du savoir avec un accès si coûteux au réseau. Le réseau, c’est la carotide, si on l’engorge on sera plutôt anémique comme nation. C’est un service essentiel. D’ailleurs, mon implication au sein du conseil d’administration d’Ile-Sans-Fil est complètement basée sur cette prémisse: il faut démocratiser l’accès au réseau. C’est essentiel.
Mais prenons un peu de recul. Je suis un optimiste. Pragmatique, mais optimiste. Je ne me contente pas de soupe tiède. Je veux le mieux. World Class. Je suis convaincu que le marché en 2010, c’est le monde. Que nos inspirations proviennent des quatres coins du monde (quelle expression du 20ième siècle, le monde n’a plus de coins aujourd’hui)! Quand je vois des chiffres comme ça, je m’énerve. Je conconcte ces bombes mémétiques, c’est citations, souvent reprises d’ailleurs, repiquées et remixées sur un beat local, pour surligner en jaune fluo des faits qui sont trop anodins à mon goût. Come on! Le Canada, le pays de Nortel et de Research in Motion, le Great White North des Telecoms, si en retard? Le Robin des Bois en moi ne peut s’y résoudre, que ce soit contre l’oligarchie des télécommunications ou celles des compagnies à 3-4 lettres en informatique, la stagnation et le contrôle des marchées à fin de maximiser les profits, pas capable.
Quel regard portes-tu sur l’Internet québécois aujourd’hui? Quels sont les enjeux les plus importants? Le soutien aux start-ups? Le libre accès?
Hum… L’internet québécois, ça n’existe pas. Il y a des québécois sur internet, des startups québécoises, des compagnies de services qui permettent à des sociétés québécoise d’être sur internet. Mais l’internet c’est global. C’est excitant et épeurant, à la fois. Ça peut faire peur, si on a construit des modèles d’affaires, des identités corporatives (ou culturelles) sur une société en “circuit fermé”, que ça soit consciemment ou par réflexe. Dans l’univers des atomes (le physique), la production, la reproduction, l’entreposage et la distribution créent des barrières naturelles au commerce et à la culture. Pas dans l’univers numérique. Le coût de reproduction, de stockage et de transmission est marginal, les processus accélérés. Je pense que c’est une des choses les plus importantes à comprendre (c’est ce que je présentaits aux RDV Média Infopresse en septembre). C’est une question de culture numérique. Vous remarquerez que ce qui ne change pas c’est le coût de production, de création. C’est ça le double enjeu. Il faut ajuster les modèles pour favoriser la création tout en remettant en question le reste. Je préfère création à “innovation” (j’y reviens tantôt).
En plus, on est supposé d’être bon là dedans la création au Québec. Je pense que c’est vrai. Les créateurs d’ici, quand ils sont à leur meilleurs, qu’ils se donnent des standards de qualité et des objectifs mondiaux, performent. Ça donne des Cirques du Soleil, des Juste pour Rire, des Un gars une fille et des Invincibles revendus dans le monde, des Softimage et des Bombardiers. C’est donc pour moi ce qui est le plus important, il faut soutenir l’entrepreunariat. Il faut enseigner et démontrer que c’est possible. Pour notre génération (je vais avoir 40 dans quelques années, je suis un X) il faut savoir passer de maître chez nous à citoyen du monde, entrepreneur du réseau global. Pour ça, curieusement selon certain, mais c’est très logique selon moi, ça prends une forte identité, personnelle, corporative, nationale. Je pense que c’est pour ça que je suis nationaliste, indépendantiste. Quand j’explique à certains de mes amis qui sont dans des startups américaines de San Francisco à New York, que l’indépendance c’est l’équivalent de lâcher sa job confortable chez Bell (ou Microsoft) et d’aller partir sa propre boîte, parce que les structures à plus petite échelle sont plus humaines et plus efficaces, ils comprennent tout de suite ce que je veux dire. J’ai déjà dit à la blague que j’avais une majeure en socialisme et une mineure en capitalisme. Ça donne le ton. Ça prends des sous pour soutenir les gens les créateurs, et ça permet de générer des retours. En capitaux sociaux et sonnants. Qu’ils soient réalisatrices, hackers ou gestionnaires, qu’ils inventent des voitures électriques ou qu’ils distribuent de la soupe à ceux qui ont faim.
Plusieurs acteurs du milieu réclament une politique québécoise de l’Internet. Es-tu de ceux-là et pourquoi?
Je suis divisé sur ce point. Peut-être parce que je suis pragmatique. Je pense que ça prends une culture internet pour avoir une politique conséquente. Est-ce qu’on a une bonne politique de la santé? Je ne crois pas, il n’y a pas assez de médecins et d’infirmières au sein de l’appareil qui crée la politique pour qu’elle soit vraiment adaptée à la réalité d’aujourd’hui… Même chose pour la politique internet ou numérique. En quelque sorte, j’ai décidé d’arrêter de tenter d’influencer les politiques. Je préfère hacker la culture, former des gens, répandres des idées, prouver que ça fonctionne. C’est plutôt subversif, ça fait appel à mon côté rebelle (je suis Hans, pas Luke) et mes racines punk. J’étais fasciné au Cégep par le concept du théâtre de rue en amérique du sud (oui, j’ai étudié en langues et littératures avant de retourner aux TIC, je suis tombé dedans quand j’étais petit). Mais je sais aussi qu’il faut travailler top down en même temps que bottom up… donc oui, je fais de la politique. Tout le temps. À l’Alliance Numérique, à Ile-Sans-Fil, avec le projet Notman. On pourrait dire que pour l’instant, je suis à fourbir mes armes, j’étudie le système pour mieux le hacker. Il y a peut-être 5-6 ans, dans une conversation avec deux amis que j’apprécie beaucoup (Carl-Frédéric De Celles et Clément Laberge), on se demandait ce qu’on ferait dans 10 ans (c’est tout à fait le genre de question de Clément, ça se pose avec quelques verres). Je disais à la blague que je serais CTO du Québec. Pas certain que j’y crois encore, ça pourrait être un travail ennuyant. Ou passionnant 😉
Ça prends de la vision pour mettre en place une politique. Pour être visionnaire il faut prendre des risques. Je ne crois pas que le système politique actuel supporte le risque. En fait comme société, on est plutôt pépère. Même les “capital de risque” ici est plutôt institutionnel et frilleux. Mais ne vous en faites pas, c’est pareil ailleurs. Alors bien que j’aimerais avoir du leadership sur cette question, je ne vois pas pour l’instant de leader se poindre à l’horizon. Ça va prendre une (petite) révolution. Elle sera culturelle et générationelle, c’est triste mais je crois qu’il va falloir attendre que les baby bommers expirents (ils ne prennent plus vraiment leur retraite, mais il se fatiguent des vieilles guerres). C’est un peu comme mon combat pour les logiciels libres et standards ouverts (j’ai participé à la création de FACIL au début des années 2000). Le pragmatique en moi ne comprends pas pourquoi ça résiste tant, je vois ça comme tellement logique, je me dis que c’est un rouleau compresseur et que de toute façon ça va arriver, c’est juste trop évident pour moi. D’un autre côté, je suis assez intelligent pour comprendre les leviers dans le marché, les jeux de pouvoirs et la protection des acquis du système déjà en place (politique, commercial et social). Je ne vais pas aller jouer au golf avec un sous-ministre ou un vp finance pour le convaincre d’aller avec les logiciels libre. À la place, j’organise des camps, des meetups, des inconférences et je contribue à semer toute une génération de hackers qui vont travailler dans ces organisation et faire arriver le tout. Je pense que je deviens plus patient avec les années, plus résolu aussi.
De quoi ont besoin les entreprises du Web d’ici pour croître?
Je diviserais la réponse en deux partie. La première, qui me tiens plus à coeur (parce que c’est un besoin plus criant): on a besoin de meilleurs réseaux d’entrepreneurs modernes. Par moderne, je veux identifier quelques compétences dont on a absolument besoin pour entreprendre et gérer au 21ième siècle: l’ouverture, la communication, la collaboration, l’humilité. C’est certain qu’on a encore besoin de leaders charismatiques, forts, persévérants. Ça c’est facile à trouver. Mais travailler en collaboration, plutôt qu’en silo, ça demande beaucoup plus d’efforts. C’est ça le réseau. C’est de se multiplier les uns les autres. Je pense que si on réalise qu’on compétitionne sur l’échiquier global, la présidente de la compagnie d’à côté est plus une alliée qu’une ennemie, dans le grand schéma des choses. Et puis c’est petit le Québec, les compagnies multimédia, internet, interactives, il peut sembler y en avoir beaucoup, mais finalement… pas tant que ça. Donc on a besoin de mentors aussi. Ils sont où les entrepreneurs Québécois de la génération précédente dans les petites PMEs? Le numéro que vous avez composé n’est plus en service… Ils sont dans leur chalet en Estrie. Pas sur les conseils d’administration ou comme aviseurs stratégiques. Pas comme investisseurs. C’est quelque chose qui me dérange beaucoup. Je suis certain que ça existe. Mais ce n’est pas très commun, ni très visible. C’est une chose fantastique que j’ai pu apprendre dans la Silicon Valley: A rising tide lifts all boats. Ce qui est bon pour l’écosystème web du Québec, c’est bon pour toutes les compagnies d’ici.
En second lieu, on a besoin de plus de culture de produit. Des product managers, pas des chefs de projet. Qu’est-ce qui fait parler toute la socialosphère? Twitter, Facebook, Google, Apple… ce sont des compagnies de produits, pas de services. C’est bien qu’on puisse avoir x millions de facturable avec quelques y centaines d’employés. Mais ça ne scale pas plus loin. Pas longtemps. Le mode presse-citron et travaille plus vite et plus tard et plus fort, ça fait un temps. Ce n’est pas soutenable. C’est une des choses extraordinaire que j’ai eu la chance de découvrir en côtoyant les gens au qui ont créé le mannequin virtuel à la fin des années 90. J’étais curieux, je tentais d’analyser le marché, comme faire mieux, la direction à prendre, ce qui était stratégique. J’avais peu d’expérience de gestion mais Jean-François St-Arnaud et Louise Guay m’ont laissé prendre la place que je pourrais assumer (ou pas)! On pourrait dire qu’ils savaient donner de la corde aux gens, parfois pour se pendre, parfois pour faire son Tarzan! J’ai eu plusieurs leçons de gestion, de leadership et de communication par Jean-François, Louise et tous mes collègues à cette époque. Ce fût extrêmement formateur. On a besoin de ça. Faire du terrain avec des gens d’expérience. Que ça soit par qu’ils sont en train d’expérimenter (et parfois de se tromper) ou parce qu’ils ont déjà eu quelques bonnes leçons. Ça ne s’enseigne pas à l’école.
Et l’ambition. Ça prends de l’ambition et de la fierté. On est pas né pour un petit pain. Hell no. No fucking way. Je suis fier d’être entrepreneur, Québécois, Montréalais, francophone, geek, social hacker, passionné, convaincu, combatif, intense, compétitif, ouvert, curieux, souriant, rieur, ironique, sarcastique, sérieux mais pas trop. Organisé mais brouillon, efficace mais relax, brillant des fois mais imbécile parfois. Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage. Persévérant surtout. Pragmatique. Tête dure. Ouais, peut-être un peu fou. Je ne saurais être autrement!
Comment soutenir l’innovation et le développement des entreprises?
Comme je le mentionnais plus tôt, j’ai une aversion au mot innovation. Je suis un disciple de Tim O’Reilly. J’ai beaucoup aimé son résumé des principes de l’innovation au dernier Web 2.0 Expo de New York (un excellent investissement de 21 minutes de votre temps): Fun, Potential, Big Idea Execution, Create value for others [via Twitter]. C’est très différent de ce qu’on entends habituellement dans les discours sur classique sur l’innovation (quel pléonasme vicieux). Je crois qu’il faut savoir créer un terreau fertile pour l’innovation. C’est la première condition et je ne suis pas certain qu’on ait encore vraiment réussi. C’est entre autre pour ça que je travaille sur le projet Notman. Ce qui résume le mieux comment je vois ça, c’est ce petit clip de Where Good Ideas Come From, un livre génial. C’est du choc des idées que naissent les lumières, pour ne pas que citer des américains… Pour le développement, je pense que l’industrie doit mieux s’organiser pour se représenter, surtout à l’extérieur du Québec. Ça fait quelques années que je tente de travailler là dessus avec l’Alliance Numérique, mais c’est très difficile avec les critères des programmes existants. La pluparts de PME n’ont pas les ventes nécessaires (ou le nombres d’employés) pour être éligibles au programmes canadiens d’aide à l’exportation ou québécois du MDEIE pour le soutien à la commercialisation. Il faut rénover la plupart des programmes pour les nouvelles réalitées d’aujourd’hui, pour l’ère numérique. Il faut soutenir les individus en premier, ce sont les racines de l’innovation et du développement. Ensuite les aider à créer les structures pour se multiplier.
Tu crois à l’importance des communautés, peux-tu m’en parler?
Avec plaisir! Je tente de trouver d’où ça me viens, j’étais pourtant à la base un gars assez timide à mon adolescence. Nerd à lunette… mais j’ai rapidement compris que l’union faisait la force (par nécessité peut-être?) et j’ai toujours aimé les activités de groupes, des créations collectives en théâtre, aux matchs d’impros au Cégep à mes premières expériences professionnelles en milieu des années 90, comme pigiste en multimédia, on apprends très vite qu’il faut s’entourer d’une bonne équipe pour faire un projet. Mais au delà de la collaboration, l’idée des communautés comme moteur dans une industrie, comme réseau d’experts, de curieux, de passionnés, ça me vient beaucoup de la culture des logiciels libres. Cette idée de co-construction, d’architecture de participation, ça me semblait sonner juste, ça rejoignais mes valeurs. Ça s’est crystalisé en 2006-2007, on a organisé le premier BarCamp de Montréal en gang, après avoir entendu parlé du FooCamp et après avoir vécu la journée ConstellationW3 qui était probablement la première inconférence du milieu internet à Montréal (en 2003, c’est vraiment la genèse, c’est intéressant de constater les participants de notre naissante communauté déjà).
En 2007 j’ai eu la chance d’assister au Web2Open, la conversation de couloir en marge du Web 2.0 Expo de San Francisco (mon premier) organisé par (entre autre) Tara Hunt . J’ai suggéré pas longtemps après à Michel Chioini et Claude Malaison de faire la même chose en marge de Webcom, on a baptisé ça WebCamp. Ça roule depuis. Et puis, voyant que ce n’était pas si compliqué, qu’on devait simplement se trouver un bon sujet, une date, un lieu et l’annoncer sur les réseaux sociaux… Après avoir compris que c’était facile et surtout utile (j’apprenais pleins de trucs et je rencontrais plein de monde) je me suis lâché loose. iPhoneDevCamp, Facebook Garage, un autre BarCamp, plusieurs WebCamp, WordCamp (wordpress), WhereCamp, aidé à lancer StartupCamp, j’ai participé à PodCamp (une belle gang!) et aidé MédiaCamp et CONFOO… et quelques autres que j’oublie. J’ai aussi contribué au cours des années comme participant ou administrateur à des organisations et associations comme W3Québec, Ile Sans Fil, Linux-Québec puis FACIL, Alliance Internet et maintenant le projet Notman. Ces communautés elles se sont incarnées sur internet, mais aussi dans plusieurs lieux aujourd’hui mieux connus, le Laïka, la SAT, Station C… Toutes ces communautés sont pour moi à la fois le jardin d’où émergent les meilleures idées et le bouquet de toutes la créativité de la scène techno/internet de Montréal (et Québec aussi).
Nous avons déjà parlé de Praized Media dans Le Lien en 2008: comment évolue l’entreprise depuis? Avez-vous observé une évolution dans la façon dont vos clients utilisent Praized?
C’est une histoire pleine de rebondissements… Une de mes théorie des startups préférée en ce moment est celle qui soutiens que de créer une startup ne vise pas à reproduire à petite échelle une grande compagnie, mais de mettre en place les ressources (surtout l’équipe) pour permettre de trouver quel est le bon produit dans le bon marché. On commence avec un marché, une hypothèse et on teste. On développe rapidement, on itère, on recommence. On a fait ça 3 fois déjà avec Praized. La première itération c’est ce que vous avez vu à Praized.com et sur certains blogues. Sébastien Provencher et Harry Wakefield m’avaient approché à une soirée Yulbiz en 2006 pour me demander si je voulais contribuer mon expertise technologique à leur exploration de l’intersection de la recherche locale et des médais sociaux émergents (ils ont tous les deux été à l’emploi du groupe Pages Jaunes par le passé). De fil en aiguilles, de réunions de cafés, au salon, à la cuisine, aux terrrasses, on est arrivé à notre première hypothèse. On a développé le tout en prototype pendants quelques mois, mais on savait qu’on avait un bon marché et une bonne équipe de co-fodateurs, alors on est allé cherche 1 Million auprès de capital privé à Montréal (après avoir réchauffé le marché avec plusieurs rencontres aux USA). Ça nous a permis de pousser le développement à fond, d’engager une dizaine de personnes (à temps plein mais aussi plusieurs pigistes) et de constater après 18 mois que… ça ne levait pas.
La technologie était réussie (je crois), le concept intéressant (peut-être un peu d’avance) mais l’expérience utilisateur et surtout la traction (le nombre d’utilisateur) en dessous de nos espérances. Nous avions quand même 25 millions de hits par mois sur notre API, mais pas assez d’utilisateurs au final. On avait une plateforme, un réseau, des développeurs, mais pas assez de clientèle… On a alors fait notre premier pivot, replacer le modèle d’affaire, pour s’orienter vers la vente de notre technologie aux grandes compagnies de média, qui selon nous auraient tout intérêt à créer eux-même leur version de Yelp ou des “pages jaunes sociales”. L’idée était bonne. Transcontinental a lancé weblocal.ca (en engageant des américains, nul n’est prophète en son pays). Le groupe Page Jaune a utilisé notre technologie de questions/réponses sociales sur http://reponses.pagesjaunes.ca et http://answers.yellowpages.ca – mais le démarchage auprès des grands groupes médias à l’international, c’est long et ça demdande des ressources financières solides. On a réussi à faire une autre ronde de financement à l’interne avec Capital St-Laurent (notre investisseur principal) pour poursuivre nos démarches. Mais après un autre 12 mois d’efforts, à la fin 2009, on s’est posé de sérieuses questions, encore une fois.
Bien qu’on avait réussi à conclure quelques clients, pas encore à la hauteur de nos attentes (et de nos investisseurs non plus, d’ailleurs). Par contre, le nouveau produit que Sébastien avait en tête depuis quelques mois, et qu’on présentais à nos clients potentiels comme étant “ce qui s’en vient”, retenait vraiment l’attention de tout le monde. On se faisait dire: “si vous aviez ce produit là ça serait vraiment plus intéressant”. Quand on entendu cette phrase une fois, ça fait réfléchir. Après 5-7 fois, par des gens sérieux, on s’est dit: “on le fait”! Au lien de demander aux utilisateurs d’aller sur un site web spécifique pour poser leurs quesitons à leurs amis, on va renverser le modèle. On va ramasser toutes les questions sur Twitter, ajouter la géolocalisation et envoyer la question au marchand le plus près qui peut donner une bonne réponse. Alors si je tweet “j’irais bien manger un bon griot épicé soir, des suggestions?”, on va déduire que c’est une demande pour une recommandation de restaurant de africain ou caraïbéen et faire parvenir la question en temps réel aux restos qui ont le bon profile pour vous répondre: “@sylvaincarle, viens nous voir chez Kiano, on t’offre la première bière”! On a lancé notre produit cet été à Montréal pour tester cette nouvelle hypothèse et ça fonctionne vraiment très bien!
Quels sont les prochains développements de Praized? Quelles sont les priorités de l’entreprise?
Maintenant qu’on a validé notre modèle, on est en phase de commercialisation sur le marché local et nous allons aller chercher une nouvelle ronde de financement en 2011 pour étendre les efforts de vente aux États-Unis et en Europe. On va continuer de raffiner le produit, mais on a décidé de concentrer tous nos efforts sur Needium, ce nouveau produit. Nos autres produits sont encore disponibles (ils sont pas mal complets et bien débuggués!) mais on oriente toute la compagnie dans cette direction, on dit en anglais social leads, on trouve des opportunités de nouveaux clients pour les petits marchands dans les réseaux sociaux. C’est tout à fait la vision originale, mais ça nous a pris trois itérations pour arriver à une adéquation de produit/marché (product/market fit). Nous sommes présentement à refaire notre roadmap de développement pour 2011, mais stratégiquement, on sait ou on s’en va. On vise avoir plusieurs milliers de commerçants qui utilisent notre service (surtout en mode de service géré, ou l’on aide le client à répondre avec une équipe de gestionnaires de communauté à l’interne chez Praized). On espère lancer le service dans un 50aines de villes Nord-Américaines en 2011. Ça veut dire le développement d’une force de vente directe, ainsi que des alliances stratégiques avec des entreprises qui vendent déjà des services à cette clientèle. On en connaît quelques-unes…
Conclusion
Je reviens d’une semaine à San Francisco en ce début de novembre 2010, toujours très inspiré et plein d’énergie. Je me dis que ça ne fait que commencer, qu’on a la chance de vivre à une époque extraordinaire. Qu’on ré-invente les médias, le commerce, la soiciété, les industries, que la vague numérique transforme tout sur son passage. Parfois pour le mieux, parfois avec douleurs, mais jamais sans conséquences. Excité mais calme. Optimiste mais pragmatique. Fasciné par la création sous toutes ses formes, particulièrement quand elle est augmentée par la technologie. Curieux et plein d’espoir de la société en réseau, des transformations que ça amène sur notre planète. Heureusement surpris de voir pousser plusieurs graines semées et arrosées au fil des 15 dernières années. Serein et souriant de constater tout ce qu’il reste à faire.
On s’en reparle dans 15 ans, sous cette forme longue. D’ici là, je continue de répandre mes états d’âmes, mes coups de coeurs et mes inspirations via mon blogue et les réseaux sociaux. J’espère continuer longtemps, de contribuer à comprendre, analyser, inventer les technologies de l’information ET des communications. Les geeks inventent les outils de colloboration et de communication pour collaborer et communiquer à inventer ceux-ci… et toutes les prochaines générations. C’est parfait comme conclusion, c’est très méta et rempli de récursivité, geek à mon goût!